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Impertinence générique & genres de l’impertinence du XVIe au XVIIIe siècle.

Appel à communication expirant le 15 mai 2010.

jeudi 14 janvier 2010, par Guillaume Berthon

Colloque international organisé par le GADGES

(Groupe d’Analyse de la Dynamique
des Genres et des Styles),

Université Jean Moulin-Lyon 3

8, 9, 10 décembre 2010

Comité d’organisation
Violaine Géraud
Olivier Leplatre.

Lorsque le nom impertinence apparaît au XVIe siècle, deux siècles après l’adjectif
impertinent d’emploi juridique puis didactique, la valeur dépréciative qui le caractérise se
teinte progressivement d’axiologie : après avoir signifié « absence de conformité », le
substantif prend le sens de « sottise », comme dans les Essais. Selon Furetière et l’Académie
(1694), le terme dénote une « action ou parole sotte », non seulement contre la raison mais
aussi « contre la bienseance & le jugement ». Si les dictionnaires n’enregistrent que
tardivement le sens moderne d’irrévérence (première moitié du XIXe siècle), cette nouvelle
acception émerge notamment avec l’emploi injurieux de l’adjectif substantivé : « Quel
impertinent ! ».

Le surgissement de ce terme et de ses dérivés dans le discours semble donc souligner
un hiatus, un écart, une discordance, une infraction par rapport à une norme : norme de la
raison qui dénonce une extravagance (les médecins selon la Toinette du Malade imaginaire
sont des « impertinents »), norme de codes sociaux qui sanctionnent un manquement aux
bienséances, norme de codes littéraires ou linguistiques ; les univers de référence, nombreux
et variés, mettent en valeur des facettes complémentaires de la notion d’impertinence. La
linguistique moderne fait de la pertinence l’une des lois du discours réglementant tout
échange conversationnel et formant un code de bonne conduite. L’impertinence correspond à
une suspension de cette loi de pertinence, plus ou moins soudaine et fugitive comme dans le
cas de l’humour, qui prend le destinataire à contrepied, et lui présente une réalité sous une
forme plaisante et inattendue.

Au regard des codes littéraires, la notion d’impertinence appelle celle de convenance :
l’Antiquité, sous le terme d’aptum, cherche à établir un code de la pertinence générique, que
le Moyen Âge illustrera par la roue de Virgile établissant une classification tripartite des
sujets, des genres et des styles. La Renaissance hérite de cette codification et tente de la
préciser, mais en dépit de recommandations de plus en plus précises au cours du XVIe siècle,
un grand nombre de textes paraissent transgresser le précepte de pertinence générique. Avant
que l’impertinence littéraire ne se déploie au XVIIe siècle autour du couple « style burlesque »
et « style héroïcomique », le XVIe siècle offre des précédents : Rabelais, Du Bellay, Montaigne
déjouent les codes en voie d’élaboration par une tendance à l’hybridation générique – toutes
œuvres qu’a distinguées l’histoire littéraire : l’impertinence a-t-elle partie liée avec la
consécration ?

Si l’impertinence malmène les bienséances avec des retombées sur le terrain moral
(place du corps, honnêteté, politesse des mœurs, inquiétude de l’obscène), c’est sur le terrain
poétique qu’elle soulève les plus âpres débats. Les querelles autour du Cid, à propos de
l’hybridité de la tragi-comédie ou de l’indétermination du roman, les débats sur la grossièreté
homérique (au cœur de la controverse entre Anciens et Modernes), la promotion de notions
morales et esthétiques comme la délicatesse, la vraisemblance, sont quelques-unes des
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traductions du problème posé par l’impertinence au siècle classique, qui trouvent des
prolongements dans la littérature en amont et en aval.

Dans la bataille que les écrivains des Lumières livrent contre les obscurantismes, les
dogmes et les abus, l’impertinence devient irrévérence face à de vieilles idoles. Elle est le
signe patent de l’irrespect de l’ordre établi, de sa remise en cause. Elle s’accomplit en
insolence par rapport aux puissants, par rapport à ceux qui imposent leurs prérogatives, sans
souci du prochain. L’impertinence émancipatrice unit Montesquieu à Beaumarchais, en
passant par Voltaire et Diderot. Mais elle se rencontre aussi, sous la forme plus sulfureuse de
la transgression, chez les écrivains qui exploitent la veine libertine et remettent en question
l’ordre moral, de Crébillon à Sade. La dépréciation apparente de l’impertinence ne doit pas
cacher son éventuelle mise en valeur comme conduite éthique, credo moral anticonformiste et
formule existentielle dans la littérature d’Ancien Régime.

Le but du colloque est donc d’interroger la notion d’impertinence dans sa relation
avec la problématique des genres littéraires :

- On observera par exemple comment s’élabore le retournement sémantique de
la notion, et quels sont les types d’œuvres qui l’accueillent et le favorisent. Les textes
comiques, burlesques, plus généralement les écrits de la mouvance libertine et leur
goût du détournement, de la subversion, du contre-pied, de la digression et de
l’oblicité sont certainement les foyers de cette mise en avant de l’impertinence en tant
que posture littéraire et proposition morale voire politique.
- On se demandera quels sont les genres favorisés par une littérature « rebelle »,
et en particulier s’il y en a qui basculent du côté de l’impertinence et d’autres qui sont
créés pour la soutenir. Mais aussi bien y a-t-il des genres autorisés pour
l’impertinence ? Le coq à l’âne et l’éloge paradoxal au XVIe siècle, ou bien la fable et
le conte, comme La Fontaine ou Perrault les saisissent, sont-ils par exemple des genres
qu’investit l’impertinence pour en déplacer les enjeux, ou bien une certaine marge
d’impertinence est-elle tolérable en eux ? Où se situent alors les limites de cette
tolérance ? Jusqu’où – sinon à faire débat voire à être censurée – l’impertinence est-elle
littérairement acceptable, agréable, attendue même ? A partir de quel point doit-elle
avancer masquée et ses provocations se faire clandestines ?
- Il y aura aussi à évaluer le véritable poids des règles, la valeur exacte de leur
imprégnation et de leur force de contrainte sur la modalisation générique et plus
globalement sur la pratique littéraire, et sa liberté. On pourra élargir et poser le
problème d’une impertinence « réactionnaire » et de ses modalités pour voir quels
instruments littéraires, neufs ou réactivés, elle privilégie.
- La question des motivations de la transgression que constitue l’impertinence
méritera enfin d’être prise en compte : est-ce l’inadvertance d’un auteur ignorant des
codes, ou au contraire un moyen conscient de sortir des catégories génériques reçues
pour renouveler la poétique et faire oeuvre originale ? L’enquête sur la littérature
comique et satirique amènera à interroger la position de l’auteur, figure en train de
naître, et celle de son complice bon entendeur, le lecteur, à travers son implication
dans le geste, l’efficacité et les répercussions de l’impertinence.

Les propositions de communication , qui se détacheront dans la mesure du possible d’une
approche exclusivement monographique, sont à adresser par courriel aux membres du comité
d’organisation avant le 15 mai 2010.

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