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L’hermaphrodite, de la Renaissance aux Lumières.

Appel à communication expirant le 1er mai 2010.

mardi 2 février 2010, par Guillaume Berthon

Bien que l’hermaphrodite ait été l’objet ces dernières années de nombreuses études, tant en France que dans le monde anglo-saxon, en particulier à travers le prisme des gender studies, il mérite qu’on y revienne. En effet, pour ce qui est de la période envisagée, les travaux de Kathleen P. Long pour la Renaissance, de Patrick Graille pour les XVIIe et XVIIIe siècles, et l’analyse de Pierre Ronzeaud sur l’utopie hermaphrodite, pour ne citer que les ouvrages les plus connus, invitent à poursuivre la réflexion sur une figure aussi complexe que contradictoire, notamment en ce qu’elle interroge les frontières entre le masculin et le féminin, la norme et le monstrueux, le mythe et la réalité, et se trouve à la croisée de nombreux discours, où se confrontent et s’interpénètrent le médical, le politique, le théologique et le littéraire, entre héritage antique et modernité.
La fable ovidienne de la nymphe Salmacis, s’unissant à jamais au bel Hermaphrodite, suscita nombre de commentaires et de réécritures, et rencontra à la Renaissance le mythe de l’androgyne platonicien, idéal de l’unité perdue, qui, dans sa version christianisée, a donné naissance à une riche pensée ésotérique et poétique autour de l’Adam double : aussi l’androgyne apparaît-il dans nombre de textes, en particulier allégoriques, comme le symbole de l’union et de la complétude.
En revanche, Hermaphrodite est dans la fable une figure de l’impuissance et de la perte : c’est un dieu déchu, incomplet, qui se rapproche par là même de l’hermaphrodite réel, objet à partir du début du XVIIe siècle de violentes querelles entre médecins. Le refus progressif de la possibilité d’existence de l’« hermaphrodite parfait », qui rassemblerait en lui les caractères masculins et féminins et pourrait être fécond et comme homme et comme femme — ce qui annule la frontière entre les sexes — est ainsi à lire comme une volonté de disjoindre réalité et mythe, ou en d’autres termes d’empêcher la superposition entre l’androgyne mythique et l’hermaphrodite anatomique.
Cela dit, et ce n’est pas un hasard, les deux termes sont synonymes chez la plupart des auteurs de l’époque, ce qui signale la difficulté à envisager l’hermaphrodite en dehors du puissant mythe androgynique. C’est en effet la tension entre l’image idéale de la fusion des sexes et la possibilité angoissante d’une confusion informe qui habite nombre de textes. Le discours scientifique qui vise à détruire la fascination exercée par l’être bisexué n’y parvient pas, dans la mesure où il n’arrive pas à classer l’inclassable. L’hermaphrodite occupe ainsi dans nombre de champs de savoir une place stratégique et déstabilisante, parce qu’il oblige sans cesse à penser la frontière des sexes : le discours médical s’interroge sur l’origine et la nécessité de la distinction sexuée ; le droit, en ayant à statuer sur l’identité sexuelle, impose avec hésitation une définition complexe à partir d’éléments anatomiques et/ou du comportement social (différenciant ainsi le sexe et le genre). La théologie mystique, l’alchimie, les récits de voyages, les canards, en accordant à l’hermaphrodite une place majeure, obligent à s’arracher à l’évidence de la séparation des sexes, et par là même interrogent les normes que la société admet ou construit.

Ce n’est donc pas un hasard si cette figure se retrouve surtout dans des textes que l’on pourrait qualifier de « marginaux » : les pamphlets politiques ou religieux, les utopies (de Artus à Casanova), les textes burlesques (comment ne pas penser à Hermaphrodix, personnage de La Pucelle d’Orléans ?), la littérature ésotérique, alchimique ou mystique, ou encore les ouvrages érotiques, voire franchement pornographiques. On ne saurait par ailleurs négliger toutes les questions liées à la langue ou au style « hermaphrodite » qui apparaissent dans nombre de ces textes : le sexe de la langue pose à son tour problème.

Le colloque vise à lancer une vaste enquête qui permettra de trouver des documents, éventuellement iconographiques, qui n’ont pas encore été étudiés, et d’enrichir ainsi le corpus sur l’hermaphrodite. Il s’agira aussi, dans une perspective diachronique, avec ses continuités et ses ruptures, d’étudier les enjeux de cette figure, et de se demander si elle n’est pas déjà devenue, avant même le romantisme, un mythe littéraire et esthétique.

Plusieurs axes de recherches — la liste n’est pas exhaustive — sont possibles :

- L’hermaphrodite dans les discours savants
- L’hermaphrodite et les récits de création
- Les significations allégoriques de l’hermaphrodite
- L’hermaphrodite, entre sérieux et grotesque
- Les utopies hermaphrodites
- La langue hermaphrodite

Ce colloque s’inscrit dans le cadre de l’axe « Marges et frontières de la littérature » qui constitue un des pôles du centre de recherches « Textes et cultures » de l’Université d’Artois (EA 4028).

Une journée d’études pour préparer le colloque aura lieu le 1er décembre 2010.

Les communications, de préférence en français, dureront 25 minutes. Celles qui seront retenues par le comité scientifique seront publiées dans les actes du colloque.

Les projets de communication devront être adressés avant le 1er mai 2010 à Marianne Closson, ainsi qu’à Claudine Nédélec. Nous vous demandons d’envoyer une proposition en fichier attaché format .rtf, de 500 mots maximum, accompagnée d’un court CV dans lequel figurera votre université ou laboratoire d’affiliation ainsi que votre adresse électronique. Vous pourrez éventuellement ajouter quelques références bibliographiques si vous avez déjà travaillé sur ce sujet. Le fichier aura pour titre le nom de l’auteur ou des auteurs de la proposition.

N’hésitez pas à prendre contact avec nous si vous avez des questions.

Date limite d’envoi : 1er mai 2010

Responsable : Closson Marianne
Adresse : 121, avenue Parmentier 75011 Paris

P.-S.

Illustration : Jan Gossaert, La Métamorphose d’Hermaphrodite et de la nymphe Salmacis, ca. 1517 (source : Wikimedia Commons).

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