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Nouveaux regards sur les « Apollons de collège » : Figures du professeur humaniste en France dans la première moitié du XVIe siècle

Colloque international E.P.H.E. / Université de Paris IV – Sorbonne Maison de la Recherche (Paris), salle E035, les 28, 29 et 30 octobre 2010

mardi 31 août 2010, par Blandine Perona

La prose élégante et caustique de Lucien Febvre a permis de mettre en lumière l’œuvre abondante des professeurs qui, dans les premières décennies du XVIe siècle, se firent humanistes et poètes latins. Pourtant, si l’illustre savant fut leur « inventeur », au sens archéologique du terme, il afficha surtout à l’égard de ces « Apollons de collège » un mépris dont ils ont longtemps souffert. Évoquant en particulier l’ « énorme, stupéfiante et candide vanité » de ces latinistes fervents, qui croyaient fermement en leur propre génie, il dénonça l’ennui que suscite immanquablement, selon lui, la lecture de leurs vers. L’approche du critique procédait cependant d’un postulat très juste : aucune étude sérieuse du contexte intellectuel de ce début du XVIe siècle ne peut faire l’économie d’une telle exploration. Il a reconnu par ailleurs à ces poètes latins quelques mérites : une foi inébranlable dans le pouvoir des Belles Lettres, et « un certain tour de main », à défaut du génie.
La recherche, dans les dernières décennies, s’est employée à surmonter ces préventions et à éclairer d’un jour nouveau le premier humanisme français. Marie-Madeleine de La Garanderie a ainsi ouvert la voie. Donnant plus de place aux travaux proprement philologiques et érudits des professeurs de rhétorique, à côté de leurs productions poétiques, elle a proposé de juger ces écrits en fonction de la place qu’ils tinrent réellement dans le paysage intellectuel du temps, « propage[ant] sans bruit et comme insensiblement la culture nouvelle » ; de fait, les ouvrages scolaires et encyclopédiques de Jean Tixier de Ravisy furent de grands succès de librairie, sans cesse réédités, tandis que les vers de Nicolas Bourbon, « enfant des muses défraîchies » pour Lucien Febvre, ont séduit le grand Érasme. A n’en pas douter, « le monde modeste et laborieux des professeurs de collège », rompu aux pratiques scolastiques mais ouvert aux méthodes de la philologie moderne, a été un lieu d’élaboration, d’expérimentation et de transmission de savoirs, de pratiques intellectuelles et esthétiques qui ont nourri la Renaissance française. C’est ainsi, par exemple, que l’on y redécouvrit l’œuvre de Stace et que l’on y étudia les Silves de Politien, donnant ainsi à l’expression poétique de langue latine un nouvel élan.

Ce colloque consacré à la figure du professeur humaniste sera l’occasion de réunir et de croiser les regards des chercheurs qui se sont intéressés et s’intéressent à la personnalité, aux pratiques pédagogiques, aux écrits de ces hommes-là. A travers eux, il s’agira de saisir dans leurs réalités concrètes et humaines les relations qu’entretinrent, au début de l’époque moderne, la culture scolaire et la culture humaniste. La réflexion s’articulera autour de trois séries de questions :

- Qu’est-ce qu’un professeur humaniste ? Qui sont ces professeurs ? D’où viennent-ils, que lisent-ils, qu’enseignent-ils, qui fréquentent-ils ? De quelle façon peut-on apprécier leur rôle intellectuel et social ?

- Qu’est-ce qu’enseigner en humaniste au moment où la critique de la scolastique se fait polémique ? Il s’agira de s’interroger sur l’influence de la pédagogie italienne et érasmienne et sur les pratiques pédagogiques elles-mêmes, en étudiant notamment les méthodes de commentaire et d’édition des textes, entre Moyen Âge et Renaissance.

- Existe-t-il une spécificité de la production intellectuelle du professeur, à l’aube du XVIe siècle ? Si l’on identifie bien une littérature dite « scolaire », parce qu’elle prolonge l’enseignement par l’écrit (et l’on s’interrogera sur les modalités de ce prolongement), toute littérature de professeur est-elle une littérature scolaire ? Lorsqu’il parle de ces « Apollons de collège », L. Febvre reconnaît dans leurs vers de la « dextérité » mais aussi des « tares professionnelles ». Quelles sont-elles ? Et comment apprécier, au-delà de ce jugement sévère, leurs qualités proprement littéraires ? L’étude de la réception de ces auteurs, en leurs temps et dans les siècles qui suivirent, devrait être, de ce point de vue, éclairante.
La réflexion s’appuiera sur les travaux récents des historiens de l’université et de l’enseignement, qui ont contribué à donner une idée plus précise du rôle social et intellectuel des collèges. Ce colloque voudrait montrer que les professeurs humanistes, « entre l’obscur travail scolaire et les bonae literae » ne constituent pas seulement « une sorte de frange » mais plutôt comme une articulation nécessaire, nourrissant de leurs travaux érudits la création littéraire et intellectuelle du temps et donnant à l’humanisme français une impulsion décisive.


Organisateurs :

Mathieu Ferrand (E.P.H.E. / Université de Paris IV – Sorbonne)

Nathaël Istasse (E.P.H.E. / Bibliothèque royale de Belgique)

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