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La fabrique du présent dans l’Italie des XVe-XVIIe siècles : entre histoire, arts et littérature.

8-9 février, Paris 3

mardi 5 février 2013, par Guillaume Berthon

Présentation

Dans le cadre du programme de recherche Temps et temporalités dans l’Europe méditerranéenne de la période
moderne, nous partirons de l’identification d’un bouleversement de la perception des temps au tournant des XVe
et XVIe siècles, dû à des facteurs différents voyages transatlantiques, crise religieuse, Réforme et Contre-Réforme,
guerres modernes, construction des grandes monarchies nationales, question de l’Empire. Une des interrogations
fondamentales devient alors la place qu’occupe dans ces nouvelles situations le rapport entre passé, présent et futur.
C’est dans ce cadre global que s’insèrent les axes de réflexion de notre journée d’étude des italianistes des universités
Paris 3 et Paris 8 plus particulièrement, mais pas seulement, consacrée aux questions des effets produits par les
temps de guerre dans l’analyse et la représentation du temps présent.

A partir de 1494 notamment, une succession de guerres quasiment incessantes fait de l’Italie le champ de bataille des
grandes puissances européennes et la plonge pendant plusieurs décennies dans une instabilité politique qui modifie
l’exercice des pouvoirs, les structures sociales, l’économie de ses Etats régionaux. Les écrits des contemporains qui
se penchent sur l’histoire du temps présent montrent que la guerre nouvelle fut vite perçue comme un bouleversement
dont il était malaisé de rendre compte à l’aide des seules grilles de lecture héritées des générations précédentes. Les
« temps étranges » Guicciardini de ces guerres « insolites » Savonarole deviennent difficiles à comprendre. Plus que
jamais, le questionnement déjà amorcé par l’humanisme, sur le rapport entre passé, présent et futur, est à l’ordre du
jour et touche tout autant l’équilibre géopolitique européen que l’imaginaire des individus. Les nouvelles techniques
de la guerre moderne autant que de la diffusion de l’information imprimerie, xylographie, etc. modifient les rythmes
temporels du vécu, mais également des systèmes de représentation, touchant profondément aussi les lettres et les
arts. En politique, l’expérience tragique de la guerre, puis la domination étrangère, tendent à réduire, en effet, le
passé de l’héritage et le futur de la prophétie au présent de l’action et de la parole politique, le seul temps qui qualifie
l’homme d’Etat. C’est bien cette expérience radicale qui fait du conflit de temporalités en cours un élément productif
pour questionner le monde à partir de nouveaux critères où prévaut l’agir ici et maintenant.

La notion d’immédiateté s’impose et semble soumise à de nouveaux paramètres, à mettre en rapport avec un
engouement pour tout ce qui concerne l’expression du mouvement, perçu désormais comme un principe de base du
vivant, dont l’observation de la nature, avec les sciences nouvelles, rend compte elle aussi de Copernic à Ambroise
Paré. Le changement, l’altération, les transformations, les métamorphoses en tant que principes de vie, marquent
profondément cette période et l’intérêt qu’ils suscitent touche tous les domaines. Les concepts opératoires privilégiés
sont, à cet égard, révélateurs : l’occasione, principe particulièrement fonctionnel en politique, le furore poetico en
littérature, la valorisation toscane du dessin comme fulgurance de la créativité sont autant de forces surgissant d’un
ailleurs, dont il convient de se saisir, puis qu’il faut maîtriser. La meraviglia est un maître-mot, un mode de perception
du réel qui devient une esthétique forgée à partir d’un sentiment d’instabilité. Aux prises avec celle-ci, l’action, la
compréhension, la création humaines sont envisagées dans leur instantanéité et dans leur subjectivité : deux notions
qui soulignent l’intérêt porté à ce qui est fugitif et que l’on doit saisir pour exercer sa vertu.

Face à un temps bousculé sont mises en place de nouvelles formes de rationalité qu’il convient d’étudier pour
tenter de comprendre comment sont ébranlées les certitudes des passés lointains communaux et des passés récents
humanistes. Paradoxalement, les normes de la langue littéraire pensées par Bembo, la politique machiavélienne,
l’expérience radicale de Léonard, les nouvelles cours de Castiglione, la poésie selon l’Arioste ou les Vies de Vasari -
entre autres manifestations de ces réflexions - offrent une série de boîtes à outils et d’instruments disponibles pour
structurer les pratiques sociales, politiques, culturelles ou artistiques de l’Ancien Régime contre les risques et les
menaces d’un présent déstabilisant et d’un futur de soumission, inquiétant. L’Europe de l’Ancien Régime ne s’y trompe
pas d’ailleurs qui assure aux lettrés, aux hommes politiques et aux artistes venus de la péninsule italienne un succès
retentissant. L’épiphanie d’un présent incontrôlable induit ainsi une relecture et une différenciation des passés plus
subtile et, partant, une articulation de ces passés multiples avec le présent mais aussi avec le futur. Ce qui compte
dès lors ce sont les capacités d’analyse et d’agissement de l’interprète-acteur-créateur de l’histoire contemporaine.
L’expérience est sans doute une des seules certitudes stables dans l’état d’urgence et la mobilité des choses.

Il s’agira d’interroger et discuter durant ces journées d’études certains des dispositifs d’intelligibilité qui contribuent
à baliser cette nouvelle perception des temps de conflit d’abord, puis de soumission : décalages, articulation des
ruptures et des continuités ; refus ou adoption d’un temps hérité ; relations entre temps spontané et temps réflexif,
entre temps subverti et temps identitaire ; composition entre temps individuel et temps collectif ; questions des
origines, de la durée, du contemporain, du moderne, de l’événement, de l’anachronisme ; renouvellement et/ou
restauration ; effets de l’indétermination radicale du présent ; pluralité des temps plusieurs passés, plusieurs présents,
plusieurs futurs ; expérience de la nouveauté, etc. Du coup, pourraient apparaître plus clairement la nature feuilletée
et plurielle de ces temps bouleversés où la prise en compte de la longue durée est toujours bousculée par la fabrique,
incessante, pour partie indicible, du présent et le travail des inquiétudes sur l’avenir.

Vendredi 8 février 2013

9h30-18h

Censier, Centre Bièvre, 1-5, rue Censier, ED 122, 3ème étage, salle E

MATIN

Introduction CORINNE LUCAS-FIORATO ET JEAN-LOUIS FOURNEL
La fabrique du présent : questions de temporalités

1 CARLO VECCE Univ. di Napoli l’Orientale
L’Arcadia di Sannazaro e la Napoli contemporanea.
Tempo del mito e tempo della storia : la dimensione pastorale

2 FABIO FROSINI Univ. di Urbino
L’impossibile parola del presente : tempo, limiti e mescolanze in Leonardo

3 PASCALE DUBUS Univ. Paris 1
L’invention de l’instantanéité de la peinture italienne du 16e siècle

Discussions

APRÈS-MIDI

4 DORA D’ERRICO ENS Lyon :
La pratique du temps présent dans les Consulte
e Pratiche della Repubblica fiorentina 1494-1512

5 MARCELLO SIMONETTA :
Giovanni di Carlo e Machiavelli, Guicciardini e Giovio :
la fabbrica del presente e il traffico del passato

6 ADRIANA ZANGARA Paris 8 :
Critiques républicaines de la temporalité démocratique :
le modèle athénien en question à Florence

7 TANIA RISPOLI Paris 8/Roma II :
Il lavorio dell’imitazione nel testo machiavelliano :
correggere gli errori del presente e del passato

8 WILLIAM J. CONNEL Department of History, Seton Hall University :
L’éternité du monde et la pensée historique de la Renaissance

Discussions

Samedi 9 février 2013

10h-13h

Censier, Centre Bièvre, 1-5, rue Censier, ED 122, 3ème étage, salle E

MATIN

9 THOMAS GOLSENNE ENSA Nice :
‘Le tems revient’. Nietzsche et la Renaissance

10 GERMANO PALLINI Paris 3 :
Le moment machiavélien à Sienne : Bartolomeo Carli Piccolomini
lecteur immédiat du Prince et des Discours

11 CONSTANCE JORI Paris 3 :
Atemporalité féérique et traces du présent
dans Lo cunto de li cunti de G. B. Basile

12 ELISABETTA SIMONETTA Paris 3 :
Le temps dans la correspondance
de Maria Selvaggia Borghini (XVIIe siècle)

Discussions et conclusions

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